mardi 17 mars 2015

Kendrick Lamar - To Pimp a Butterfly [Chronique]

Il n y a plus de saison ! Neige en été, soleil en hiver et sans prévenir voila que Noel débarque en plein mois de Mars ? Comment est ce possible ? Aujourd'hui le père Noel est un jeune noir vivant à Los Angeles motivé à rendre le plus grand nombre de Rap Addict heureux sous le sapin d'Itunes et de tous les bons disquaires. A l'image d'un Drake et de sa mixtape surprise "If you read this it's too late", le troisième album de Kendrick Lamar : To Pimp a Butterfly était fortement attendu mais restait dans un flou total concernant sa date de sortie. Et pourtant sans crier gare c'est le 16 Mars que le label TDE annonce avec une semaine d'avance la naissance de ce nouvel ovni rapologique qui une nouvelle fois a de grande chance d'imprimer 2015 de sa marque. Pourquoi ? Lisez ce qui suit.

Succédant au classique Good Kid Maad City sorti en 2012 et auréolé de critiques dithyrambiques, dire que le nouvel album du californien était attendu est d'une évidence sans précédent. Après le teasing servant de mise en bouche avec l'aide des singles "I", "The Blacker the Berry" et tout récemment le titre "King Kuntaque nous pouvons désormais écouter en boucle la dernière fournée de seize pistes toutes chaudes du poulain de Dr Dre.

En parlant de Dr Dre, ce dernier nous fait l'honneur de sa présence dès le premier titre de l'opus sur le soulfunk "A Wesley Theorycomme le signe que la légende de Compton garde un œil bienveillant sur son dernier protégé. Il faut le redire si besoin que la maturité artistique de Kendrick Lamar n'est plus à prouver et cela depuis Section 80 tant celui semble savoir où il va et quelles couleurs il compte apporter à son oeuvre. Véritable patchwork de la Black Music d'hier et d'aujourd'hui, K.Dot concrétise avec TPAB une vision globalement SoulFunk ou nous pouvons rencontrer en chemin des sonorités propres à George Clinton et son P-Funk, James Brown et sa Soul ou The Funkadelic pour ne citer que les plus mainstream , sans oublier les savoureuses sonorités G-Funk si chère à la WestCoast comme l'atteste l’entraînant "These Walls" ou le Rnb véritable apporté par la légende Ron Isley. 

Chapeauté en majeure partie par les productions de Terrace Martin, Flying Lotus et Thundercat pour la partie instrumentale flirtant avec les prod d'un QTip et d'un J.Dilla, Lamar concrétise et peaufine une vision du Rap moderne qui parvient une nouvelle fois à fédérer et surtout unifié plusieurs courants musicaux. Une formule gagnante et modulable à l'infini expliquant son succès auprès des puristes, de la nouvelle vague d'auditeurs et plus impressionnant les non initiés comme en témoigne l'exposition médiatique (prestation lors du talk show The Colbert Report) et le crédit dont le emcee jouit depuis 2012.

Deux longues années après un album acclamé par la critique et après son fameux couplet sur Control qui se payait le luxe de réveiller un minimum de compétition dans le Rap Game. La question que tout auditeur doit alors se poser est de savoir ce qui a pu nourrir l'esprit de l'artiste entre deux albums ? Quand d'autres se limite à appliquer la même formule industrielle sans prendre de risque, certains ont à coeur d'explorer de nouvelles pistes artistiques pour amener ce semblant de fraîcheur quitte à se positionner sur certaines thématiques.

Là où le précédent album livrait une vision juste et désabusé de notre monde moderne à travers des récits introspectifs, TPAB se positionne d'avantage sur le terrain politique et social. Sans aucun doute motivé par le climat délétère aux Etats Unis ou les violences policières sont de plus en plus fréquente et médiatisé. Lamar sans être pleinement engagé politiquement porte tel un griot chez l'Oncle Sam, un regard dur et réaliste sur la condition noire, la précarité et plus globalement la mécanique infernale d'un système où se côtoient matérialisme, arrivisme, jalousie, joie éphémère, sexe, alcool et blunt. Les uns pouvant être les causes des autres. La nouvelle facette politique du rappeur invite chaque protagoniste dos à dos et à balayer devant sa porte, de la sorte que des titres forts comme "Hood Politics"ou "The Blacker The Berry".

Plume sublimé par un flow à tout épreuve et brillant de polyvalence comme sur l'excellent "Alright" ou le mélancolique et dépaysant "How Much A Dollar" prouvant encore une fois la juste hiérarchie entre ceux qui Rap et ceux qui sont convaincu qu'ils en font; le californien nous régale par un Rap débridé par ses codes vieillissant. Ainsi je vous invite à souligner les variations mélodiques et rythmique des beats et surtout l'aisance avec laquelle Lamar adapte son flow en toutes circonstances. Précisons que l'absence de bangerz formaté pour la radio représente à lui seul un argument de maturité artistique qui devrait faire école. Une maturité qui force le respect en précisant l'absence de déchet sur un album de 16 pistes. Cette même cohérence qui donna naissance à un Illmatic en 94. Oui j'ose, ouvrons les yeux sur les rares trésors de notre époque.

Comme un symbole et sûrement le plus fort de tous, l'album s’achève sur un morceau long de 12min "Impressions of Mortal Man" en feat avec 2Pac Shakur. Là où aurait pu s'insurger sur une récupération contre nature, le duo impressionne par son évidence quand à la fin de son couplet Kendrick Lamar fait la conversation à un 2Pac empreint de sagesse, la conversation s'achevant sur un Lamar n'ayant pu obtenir une dernière réponse du fantôme de la légende. Difficilement descriptible tant ce morceau impeccablement bluffant et génial d'inventivité est à écouter d'urgence ! 


Conclusion : Un Grand dans un Rap Game trop petit

Suspicieux au départ par la filiation entre 2Pac et K.Dot; je me rend compte morceaux après morceaux que l'association est d'une logique implacable tant les deux ont à coeur de toucher un public au delà du Rap et au delà des conventions ou des frontières "Eastcoast, Westcoast". Comme son illustre aîné l'homme fort du Black Hippy est une synthèse des meilleurs rappeurs de son époque, empruntant autant à Eminem pour le bagout, qu'à Nas (pour l'érudition) et à Makaveli pour la lucidité. Cette génération de jeunes artistes de Joey Badass à J.Cole porte en elle tout les espoirs qui font que le Rap restera ce qu'il sera toujours, à savoir ce genre unique qui fait bouger les consciences. A la question To Pimp a Butterfly est il un bon album, si vous êtes un visiteurs régulier de ces pages vous savez à quelle point je tiens à faire des chroniques à froid loin du buzz et du hype. Critique et pessimiste de nature, je ne peux que vous conseiller de vous procurez cet album tant il est fait pour ceux qui aime la musique et le travail bien fait.

2Pac disait : "Je ne vais pas changer le monde, mais je contribuerai au cerveau de celui qui y arrivera". Face à cette déclaration je ne sais pas si cette personne est déjà sur cette terre mais en tout état de chose je sais que tout ce que l'art nous apprend c'est qu'il doit avant tout servir de pont entre les générations. La transmission d'une vision et le savoir. Si Kendrick Lamar voulait laisser une trace dans le monde du Rap To Pimp a Butterfly est dorénavant une empreinte indélébile de sa légende. C'est dit !



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

LinkWithin

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...